Anactoria (Swinburne)
Anactoria[1]
My life is bitter with thy love ;
thine eyes
Blind me, thy tresses burn me, thy sharp
sighs
Divide my flesh and spirit with soft
sound,
And my blood strengthens, and my veins
abound.
I pray thee sigh not, speak not, draw
not breath ;
Let life burn down, and dream it is not
death.
I would the sea had hidden us, the
fire
(Wilt thou fear that, and fear not my
desire ?)
severed the bones that bleach, the flesh
that cleaves,
and let our sifted ashes drop like
leaves.
I feel thy blood against my blood :
my pain
Pains thee, and lips bruise lips, and
vein stings vein.
Let fruit be crushed on fruit, let
flower on flower,
Breast kindle breast, and either burn
one hour.
Why wilt thou follow lesser loves ?
are thine
Too weak to bear these hands and lips of
mine ?
I charge thee for my life’s sake, O too
sweet
To crush love with thy cruel faultless
feet,
I charge thee keep thy lips from hers or
his,
Sweetest, till theirs be sweeter than my
kiss[2] :
Lest I too lure, a swallow for a dove,
Erotion or Erinna to my love. (…)
Yea, all thy beauty sickens me with
love ;
Thy girdle empty of thee and now not
fair,
And ruinous lilies in thy languid hair.
Ah, take no thought for Love’s
sake ; shall this be,
And she who loves thy lover not love
thee ?
Sweet soul, sweet mouth of all that
laughs and lives,
Mine is she, very mine ; and she
forgives.
For I beheld in sleep the light that is
In her high place in Paphos, heard the
kiss
Of body and soul that mix with eager
tears
And laughter stinging through the eyes
and ears ;
Saw Love, as burning flame from crown to
feet,
Imperishable, upon her storied
seat ;
Clear eyelids lifted toward the north
and south,
A mind of many colours, and a mouth
Of many tunes and kisses ; and she
bowed,
With all her subtle face laughing aloud,
Bowed down upon me, saying, ‘Who doth
thee wrong,
Sappho ?’ but thou – thy body is
the song,
Thy mouth the music ; thou art more
than I,
Though my voice die not till the whole
world die ; (…)
Have we not lips to love with, eyes for
tears[3],
And summer and flower of women and of
years ?
Stars for the foot of morning, and for
noon
Sunlight, and exaltation of the
moon ;
Waters that answer waters, fields that
wear
Lilies, and languor of the Lesbian
air ? (…)
Ah that my mouth for Muses’ milk were
fed
On the sweet blood thy sweet small
wounds had bled !
That with my tongue I felt them, and
could taste
The faint flakes from thy bosom to the
waist !
That I could drink thy veins as wine,
and eat
Thy breasts like honey ! that from
face to feet
Thy body were abolished and consumed,
And in my flesh thy very flesh entombed !
Ah, ah, thy beauty ! like a beast
it bites,
Stings like an adder, like an arrow
smites.
Ah sweet, and sweet again, and seven
times sweet,
The paces and the pauses of thy
feet !
Ah sweeter than all sleep or summer air
The fallen fillets fragrant from thine
hair !
Yea, though their alien kisses do me
wrong,
Sweeter thy lips than mine with all
their song ; (…)
Yea, thou shalt be forgotten like spilt
wine,
Except these kisses of my lips on thine
Brand them with immortality ; (…)
I Sappho shall be one with all these
things,
With all high things for ever ; and
my face
Seen once, my songs once heard in a
strange place, (…)
Last year when I loved Atthis, and this
year
When I love thee[4] ;
(…)
Swinburne
a également dédié un poème « In Memory of Charles Baudelaire » :
(…) Thine ears knew all the wandering watery sighs
Where the sea sobs round Lesbian promontories[5], »
Que je traduis par : « Où
la mer sanglote autour des promontoires Lesbiens, »
[1]
Anactoria fut une des amantes de Sappho.
Je vais essayer de donner une petite idée sur ce que dit ce poème :
« Tes yeux m’aveuglent, tes tresses me brûlent, tes soupirs divisent ma
chair et mon esprit avec un doux son, mon sang se fortifie et mes veines
abondent. Je te prie d’arrêter de soupirer, de parler, de respirer ;
laisse la vie s’éteindre et rêve que ce n’est pas la mort. J’aurai aimé que la
mer nous cache, le feu (as-tu peur de cela et pas de mon désir ?) le feu
laisse nos cendres tomber comme des feuilles. Je sens ton sang contre mon
sang : ma peine te peine, tes lèvres font des bleus à mes lèvres, tes
veines brûlent mes veines. Laisse le fruit être écrasé par le fruit, laisse la
fleur sur la fleur, le cœur allumer le cœur, ou alors brûle une heure. Pourquoi
veux-tu suivre ces amours inférieurs ? est-ce que ton amour est trop
faible pour supporter mes mains et mes lèvres ? O ma très douce, je te
prie de ne pas offrir tes lèvres à d’autres, sauf si leurs lèvres sont plus
douces que mon bisou. Oui, toute ta beauté me rend malade d’amour ; »
[2]
« Est-il possible que celle qui aime
ton amante ne t’aime pas ? Ma douce âme, douce bouche de tout ce qui rit
et vit, elle est mienne, toute mienne. Dans son haut lieu à Paphos, entends le
baiser du corps et de l’âme qui mélange les larmes et les rires ; vois
l’Amour impérissable la brûler de la tête aux pieds ; un esprit
arc-en-ciel et une bouche remplie d’airs et de bisous ; et elle se penche
vers moi et dit : « qu’as-tu fait de faux, Sappho ? » Mais
Toi, ton corps est la chanson, ta bouche la musique ; ton Art par ma voix
ne mourra pas avant la fin du monde; »
[3]
« N’avons-nous pas des lèvres faites
pour aimer, des yeux pour les larmes ? L’eau qui répond à l’eau, les
champs remplis de lys et la langueur pour l’air Lesbien ? Ah que ma bouche
soit nourrie avec le lait des Muses et que ton sang coule dans le mien ! Que
ma langue puisse les sentir ! Que je puisse boire tes veines comme du vin
et manger tes seins comme du miel ! Que ton corps n’existe plus et que
toute ta chair soit enterrée dans ma chair ! Ah, ah, ta beauté !
comme une bête elle mord. Ah ma douce, ma douce, sept fois douce ! Ah plus
douce que le sommeil ou l’air d’été, je suis tombée dans les filets de tes
cheveux ! Oui, même si tes baisers étranges m’ont fait tourner la tête,
tes lèvres sont plus douces que les miennes ; Oui, on oubliera tout de toi
sauf ces bisous de mes lèvres sur les tiennes, marqués au fer pour
l’éternité… »
[4]
« Moi, Sappho, je serai une avec
toutes ces choses, toutes ces belles choses pour toujours ; avec mon
visage vu une fois, mes chants entendus une fois… L’année dernière, quand j’ai
aimé Atthis et cette année alors que je t’aime… »
[5]
Dans La Pléiade Anthologie bilingue de
la poésie anglaise (avec un portrait de John Keats), ce mot "Lesbian" fut
traduit par « à Lesbos »… ( Ah ! bon, faut-il rire ?
c’est une blague ? non, c’est malheureusement un des visages cachés de la
Lesbophobie : on veut rendre invisible le mot « Lesbien(ne) »
lui-même… c’est comme le fait de dire que « Renée Vivien semble avoir été
homosexuelle » en note dans un livre consacré à une autre Lesbienne : Mireille Havet ; elle l’EST ! elle l'a suffisamment dit dans ses poèmes !)